Les souris ont un talent certain pour débarquer sans prévenir, s’installer derrière un frigo ou dans un faux-plafond, et se comporter comme si elles payaient le loyer. Face à ça, beaucoup de gens se tournent vers une solution « douce » : les huiles essentielles répulsives. Menthe poivrée, eucalyptus, lavande… Sur le papier, ça sent bon. Mais sur le terrain, qu’est-ce que ça vaut vraiment ?
En tant que dératiseur qui passe ses journées dans les entrailles des immeubles parisiens, j’ai vu défiler toutes les méthodes, du plus ingénieux au franchement folklorique. Les huiles essentielles peuvent-elles réellement vous débarrasser des souris, ou sont-elles surtout utiles pour parfumer la cuisine après le passage d’un rongeur ?
Pourquoi les souris détesteraient-elles certaines odeurs ?
Avant de sortir vos flacons, un petit détour par la biologie s’impose. La souris a un odorat extrêmement développé, bien plus sensible que le nôtre. Elle utilise les odeurs pour :
- repérer la nourriture ;
- identifier les congénères ;
- détecter les prédateurs ;
- trouver les chemins « sûrs » dans votre logement.
Les huiles essentielles fortement aromatiques viennent saturer ce système olfactif. Résultat possible : gêne, stress, et parfois évitement de la zone traitée. C’est ce qu’on appelle un effet répulsif.
Mais répulsif ne veut pas dire « barrière magique ». Une souris affamée, stressée ou déjà bien installée derrière vos cloisons aura souvent une motivation largement supérieure à votre petite odeur de menthe poivrée. C’est toute la nuance : les huiles essentielles peuvent aider, surtout en prévention, mais elles ne remplacent ni une bonne étanchéité des lieux, ni une vraie stratégie de dératisation.
Les huiles essentielles vraiment utiles contre les souris
Parmi les dizaines d’huiles qu’on voit recommandées sur Internet, certaines reviennent tout le temps. Dans la pratique, ce sont aussi celles que j’ai le plus vues utilisées chez les particuliers.
Les plus intéressantes :
- Huile essentielle de menthe poivrée : la star des forums. Odeur très forte, fraîche, « piquante ». C’est celle qui revient le plus dans les retours de clients qui ont constaté un léger recul de l’activité des souris dans certaines pièces.
- Huile essentielle d’eucalyptus (souvent eucalyptus globulus) : odeur camphrée, pénétrante, qui peut incommoder certains animaux, y compris les rongeurs. Utilisée en complément de la menthe.
- Huile essentielle de lavande vraie : plus douce, elle n’a pas le même effet « coup de poing » que la menthe, mais peut être intéressante en mélange, surtout pour un usage prolongé dans des pièces de vie.
- Huile essentielle de clou de girofle : très puissante, épicée, elle sature bien l’air. À manier avec précaution car elle est dermocaustique à l’état pur.
- Huile essentielle de citronnelle ou lemongrass : plus connue pour les moustiques, mais son odeur très marquée peut aussi perturber les petits rongeurs.
Est-ce que tout ça est prouvé par des études béton ? Pas vraiment. On est plus sur un mélange de connaissances en biologie, d’observations de terrain et de retours d’expérience. Les huiles essentielles ne sont pas des rodenticides réglementés. Il faut donc les voir comme un outil complémentaire, pas comme une « solution miracle ».
Préparer vos répulsifs maison à base d’huiles essentielles
Si vous voulez tenter l’aventure des huiles essentielles contre les souris, autant le faire correctement. Voici les méthodes les plus utilisées, avec leurs avantages et leurs limites.
Les cotons imbibés d’huiles essentielles
C’est la méthode la plus simple, et souvent la plus efficace pour des petites zones ciblées.
- Imbibez un coton ou un petit morceau de tissu de quelques gouttes d’huile essentielle de menthe poivrée (3 à 5 gouttes pour commencer).
- Vous pouvez mélanger menthe + eucalyptus, ou menthe + clou de girofle (2–3 gouttes de chaque).
- Placez ces cotons dans des zones stratégiques : derrière les meubles de cuisine, sous l’évier, près d’un trou repéré, dans un placard où vous avez vu des crottes.
Avantages :
- facile à mettre en place ;
- ciblé sur des petits espaces où les souris passent ;
- remplaçable rapidement.
Inconvénients :
- il faut renouveler les cotons très régulièrement (tous les 3 à 7 jours) car l’odeur s’estompe ;
- si une souris a déjà un nid dans la cloison derrière, elle se contentera peut-être de prendre un autre chemin.
Le spray répulsif maison
Autre méthode intéressante : le spray. Idéal pour traiter des plinthes, des bas de murs, ou les abords d’une zone sensible (placards alimentaires, buanderie, faux-plafond accessible).
Recette type (pour un pulvérisateur d’environ 250 ml) :
- 200 ml d’eau ;
- 1 à 2 cuillères à soupe de vinaigre blanc (facultatif mais utile pour l’effet assainissant) ;
- 20 à 30 gouttes d’huile essentielle de menthe poivrée ;
- 10 gouttes d’eucalyptus ou de citronnelle en complément ;
- 1 cuillère à soupe d’alcool à 70° ou de vodka pour mieux disperser les huiles (option recommandé).
Secouez bien avant chaque utilisation (les huiles ne se mélangent pas naturellement à l’eau) puis pulvérisez :
- le long des plinthes ;
- autour des tuyaux traversant un mur ;
- le long des fissures visibles ;
- sur le sol derrière des meubles difficiles à déplacer.
Là aussi, l’effet est temporaire : il faut renouveler tous les 2 à 3 jours au début, puis espacer si l’activité baisse.
Diffusion atmosphérique : bonne ou mauvaise idée ?
On voit parfois conseillé d’utiliser un diffuseur d’huiles essentielles dans la pièce infestée. Dans la pratique :
- l’odeur se répartit partout… mais se dilue vite ;
- les souris qui passent dans les cloisons, sous le plancher ou dans le plafond seront peu concernées ;
- le risque de gêner les habitants (asthme, maux de tête) est plus élevé.
Je ne recommande la diffusion que comme petit « plus » dans une pièce où vous êtes peu présents (cave, remise, local de stockage), et jamais comme méthode principale.
Où et comment placer vos répulsifs pour qu’ils soient utiles ?
Une erreur fréquente consiste à mettre un coton à la menthe poivrée au milieu du salon, et à espérer que la souris, planquée derrière la cloison de la cuisine, se sente soudain indésirable. Ce n’est pas comme ça que ça marche.
Les souris empruntent des trajets précis, souvent invisibles à l’œil nu, mais trahis par quelques indices :
- crottes le long des murs ou derrière un meuble ;
- petites salissures sombres (marques de gras) sur une plinthe ;
- bruits la nuit au même endroit (faux-plafond, gaine technique, sous l’évier) ;
- trous de 1 à 2 cm autour des tuyaux, derrière l’électroménager ou sous les meubles de cuisine.
C’est sur ces axes de passage qu’il faut agir :
- glissez des cotons imbibés directement dans ou devant les trous d’accès repérés ;
- pulvérisez votre spray tout autour des points d’entrée potentiels ;
- protégez les zones alimentaires (placards, tiroirs) en plaçant des cotons à l’arrière, hors de portée des enfants et animaux.
Le but n’est pas de « parfumer » l’appartement, mais de rendre certains passages moins attractifs, voire franchement désagréables, pour pousser les souris à changer d’itinéraire… ou à renoncer à s’installer chez vous si l’infestation est encore limitée.
Ce que les huiles essentielles ne feront jamais pour vous
C’est ici que mon côté dératiseur pragmatique reprend le dessus. Les huiles essentielles ont des qualités, mais aussi des limites très claires.
Elles ne :
- tuent pas les souris ;
- détruisent pas un nid installé dans une cloison ;
- rebouchent pas les trous dans les murs (même si ça serait pratique) ;
- suppriment pas l’attrait de votre poubelle mal fermée ou de la nourriture laissée à l’air libre.
J’ai vu des appartements littéralement « marinisés » à l’odeur de menthe poivrée, sprayée sur chaque centimètre carré, alors que sous l’évier, un trou béant derrière la canalisation permettait aux souris de passer tranquillement. Résultat : un logement qui sentait le chewing-gum, et des souris toujours là.
Pour qu’un répulsif naturel ait un intérêt, il doit s’inscrire dans une approche globale :
- réduction des sources de nourriture ;
- gestion des poubelles ;
- rebouchage des points d’entrée ;
- pose de dispositifs de capture si l’infestation est déjà visible.
Les huiles essentielles sont alors un « petit plus », surtout en prévention, ou dans les zones où vous ne pouvez pas facilement poser des pièges (placards bas fréquentés par des enfants, par exemple).
Sécurité : naturel ne veut pas dire inoffensif
Les huiles essentielles ont une image très « douce », presque rassurante. Pourtant, en tant que produits concentrés, elles demandent quelques précautions.
Points importants :
- Risque pour les animaux domestiques : les chats, en particulier, sont très sensibles à certaines huiles (menthe, eucalyptus, tea tree, etc.). Une exposition répétée ou un léchage de coton imbibé peut provoquer des troubles. Les chiens peuvent aussi réagir. Il faut donc :
- placer les cotons hors de portée ;
- éviter la diffusion atmosphérique prolongée dans les pièces où ils dorment ;
- surveiller tout signe de gêne (toux, vomissements, léthargie).
- Risque pour les enfants : ingestion accidentelle, contact avec les yeux, réactions cutanées… Gardez toujours les flacons hors de portée et évitez d’imbiber des surfaces accessibles.
- Allergies et asthme : certaines personnes réagissent aux odeurs fortes. Si vous ou un membre du foyer présentez des symptômes (maux de tête, difficultés respiratoires), diminuez fortement les doses ou cessez l’utilisation.
- Inflammabilité : les huiles essentielles sont inflammables. Ne les versez pas sur des surfaces proches de flammes ou de sources de chaleur.
En bref : oui, c’est naturel. Non, ce n’est pas anodin. Utilisez-les avec le même respect que vous auriez pour un produit ménager concentré.
Une anecdote de terrain : la cuisine à la menthe… et le trou derrière le four
Dans un appartement du 11e arrondissement, une cliente m’appelle : « J’ai tout essayé, surtout les huiles essentielles, et pourtant j’ai encore des souris. » Arrivé sur place, je découvre une cuisine qui sent intensément la menthe poivrée, au point que mes yeux me piquent presque.
Des cotons imbibés partout : dans les tiroirs, derrière la poubelle, dans les placards. Objectivement, si j’étais une souris, j’irais voir ailleurs. Sauf que. En tirant légèrement le four, on trouve un trou de la taille d’une balle de ping-pong autour d’un tuyau de gaz, directement connecté à une gaine technique remplie de traces de passage.
Les souris passaient par là, faisaient un petit détour dans la cloison, récupéraient quelques miettes et repartaient. Les odeurs ? Un obstacle parmi d’autres, mais clairement pas insurmontable.
Nous avons :
- rebouché correctement le trou avec un mélange mortier + laine d’acier ;
- posé quelques pièges mécaniques dans les zones stratégiques ;
- réduit l’accès à la nourriture dans la cuisine ;
- laissé la menthe poivrée comme « soutien moral » autour des zones où il restait de petits recoins difficiles à traiter.
En deux semaines, plus aucune trace de souris. Les huiles essentielles n’étaient pas inutiles, mais elles n’étaient pas non plus la pièce maîtresse du puzzle.
Construire une stratégie globale : les huiles essentielles comme alliées, pas comme seules armes
Si vous souhaitez miser sur des méthodes naturelles pour éloigner les souris, voici une approche réaliste, inspirée de ce que je recommande souvent en début d’intervention légère.
- Assainir et organiser :
- rangez la nourriture dans des contenants hermétiques (verre, métal, plastique épais) ;
- évitez les restes accessibles sur le plan de travail pendant la nuit ;
- nettoyez régulièrement les miettes sous le grille-pain, derrière les appareils.
- Inspecter les points d’entrée :
- autour des tuyaux d’eau, de gaz, du chauffage ;
- derrière les meubles de cuisine ;
- au niveau des plinthes, fissures, bas de porte donnant sur les caves ou parties communes.
- Reboucher ce qui peut l’être :
- laine d’acier + mastic ou mortier pour les petits trous ;
- grillage métallique à maille fine pour les aérations (en laissant la ventilation fonctionnelle).
- Utiliser les huiles essentielles en complément :
- cotons imbibés dans les recoins où vous ne pouvez pas facilement intervenir physiquement ;
- spray sur les axes de passage repérés (en veillant à la sécurité des habitants) ;
- priorité à la menthe poivrée, complétée éventuellement par eucalyptus ou citronnelle.
- Ajouter, si besoin, des pièges mécaniques :
- pièges à ressort ou boîtes de capture, bien positionnés le long des murs ;
- éviter de mettre des huiles essentielles directement à côté des appâts pour ne pas les rendre moins attractifs.
Si malgré tout cela, vous continuez à entendre du grattement dans les murs, à trouver des crottes fraîches, ou à voir des souris se promener en pleine journée, c’est qu’on est déjà sur une infestation bien installée. Dans ce cas, des méthodes plus poussées, et parfois l’intervention d’un professionnel, seront nécessaires.
Les huiles essentielles peuvent vous aider à reprendre un peu de contrôle, à rendre votre logement moins accueillant pour les rongeurs, et à limiter une petite intrusion ponctuelle. Mais face à la ténacité d’une colonie bien implantée, elles restent un outil d’appoint, pas l’arme secrète. La vraie victoire, elle, passe toujours par une bonne compréhension de l’animal, une gestion stricte de l’environnement, et une stratégie cohérente… même si un peu de menthe poivrée, bien placée, peut apporter une touche de fraîcheur dans cette bataille silencieuse.
